vendredi 13 janvier 2012

1 sur l'échelle de Jacques Martin

Parfois, j'imagine un monde comme à "l'Ecole des fans" où les patients et mes co-internes auraient des cartons avec des notes de 1 à 10 pour noter les blagues. Je vais raconter quelques uns de mes 0 ou 1 sur l'échelle de Jacques Martin.

"Zut, regardes le scanner de Mme Machin, sa vertèbre a une forme de patate.
_ C'est ça qu'on appelle un rachis parmentier, non ?"


"Bonjour Docteur, mon Docteur m'envoie ici pour la colo.
_ Il est sympa votre médecin de vous envoyer en vacances, quand même.
_ ?
_ Non parce que "coloscopie" et "colonie de vacances", ça commence pareil.
_ ...
_ La siii, la sol..."


J'entre la chambre, double, de Monsieur Bibine, hospitalisé pour pancréatite aiguë alcoolique :
"C'est quoi votre prénom déjà ?
_ Jacques-Daniel.
_ Ah oui quand même ! Vous étiez prédestiné alors ?
_ Pourquoi ?
_ C'est pas grave. Et votre voisin aussi il a un prénom composé, non ?
_ Oui, je m'appelle Georges-Michel.
_ Vous êtes chanteur ?
_ Non, maçon."
Je sors de la chambre en sifflant "Wake me up before you go go"

"Vous vous appelez Marie-Antoinette et vous avez mal au cou ? c'est bien ça ?
_ Oui c'est ça.
_ Hihihi !!! Merci Madame.
_ Pourquoi vous riez tout seul docteur ?"


Dans le service de gynécologie, dans un dossier, il y a écrit un truc en gros, en rouge, pour une femme qui a accouché la veille :
"Ah c'est marrant, son enfant s'appelle César.
_ ..."
Silence gêné de tous mes co-externes qui sont en train d'hésiter : il est complètement con ou il le fait exprès ? Ils n'ont pas ri, ils avaient choisi la première option.


"Oh allez, hein, docteur, qu'est-ce qu'il peut m'arriver de pire ?
_ Je sais pas, mourir ?
_ Ah bon ? vous êtes sûr ? pour un rhume ?
_ Vous m'avez demandé le pire aussi.
_ Bah oui, je suis con.
_ Vous en faites pas, moi aussi."


Une patiente accompagnée par sa grand-mère :
"Vous êtes enceinte et diabétique ?
_ Oui.
_ Depuis quand on connaît le diabète ?
_ Depuis 3 ans, on l'a trouvé en même que pour ma grand-mère.
_ C'est sympa, vous faites tout en même comme ça.
_ Oui.
Je me tourne vers la grand-mère :
_ Et vous êtes enceinte vous aussi ?"



Juste avant de prélever une gazométrie artérielle. Pour ceux qui ne savent pas, on pique dans une artère du poignet, ce n'est pas spécialement agréable :
"_ Je vous préviens madame, je vais vous faire très mal (dis-je après avoir retiré le patch d'anesthésique)
_ Ah bon ?
_ Oui, parce que je suis un docteur méchant.
_ ...
_ Attention je pique.
_ ...
_ Voilà c'est fini.
_ Vous m'avez menti docteur !
_ Ah bon ?
_ Oui, j'ai pas eu mal.
_ Mince, je me rattraperai la prochaine fois.
_ Et en plus vous mentez mal, dit-elle en souriant."

Bizarrement, j'ai remarqué que depuis le début de l'année, d'autres personnes s'y mettent aussi. Lors d'une autre gazométrie qui s'annonçait plutôt difficile. Je me tourne vers l'infirmière :
"Tu sais ce qui me ferais plaisir ? c'est que tu me tiennes la main."
Elle éclate de rire (le patient est bleu, en état de choc, à moitié conscient). Je ne comprends pas bien pourquoi elle rigole comme ça. J'ai un éclair de génie :
"Pas la mienne !!! celle du patient !!!"

Ayant compris l'incongruité de la situation, je me met à pouffer, à me retenir, à me mordre la joue, et finalement à rire ouvertement, à en pleurer. Le patient se réveille :
"Vous seriez pas en train de vous foutre de ma gueule ?
_ Non monsieur, je ne me permettrai pas. C'est l'infirmière qui se moque de moi.
_ Je sais pas si ça doit me rassurer."
J'ai réussi le prélèvement, on a transféré le patient en réa, où les réas sont des pros (cf ici) et le patient a survécu.

Journée difficile, 5 sorties le matin, 3 entrées l'après-midi plus 3 consultations dans un autre service et 1 avis téléphonique qui m'a pris beaucoup plus de temps que prévu.
Ma collègue : "Tu connais la blague du nombril ?
_ Non.
_ Bril.
_ Oh la vache !!!"

Tout ça pour dire que, l'univers médical n'est pas spécialement rose, l'ambiance n'y ait pas toujours au beau fixe entre les différents membres du corps médical ni parfois avec les patients. Mais si à la fin de la journée, quelques uns peuvent avoir l'opportunité de se muscler un tant soit peu les zygomatiques, ça passe bien mieux. =)

7 commentaires:

  1. et en bonus track :
    "Madame Truc qui, avant d'être hospitalisée chez nous, a fait un séjour en médecine poly.
    _ Et depuis elle a arrêté de dire des gros mots ?

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  2. Mince, je vais paraître stupide (mais j'assume, j'ai l'habitude!), j'ai pas compris la blague sur César. Sinon, merci pour le billet, je me suis bien marrée!

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    1. @Babeth : César écrit en rouge sur un dossier de maternité, c'est pas le prénom, ça veut dire accouchement par Césarienne =)

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  3. Le ZERO :
    Prof, premier jour de pédiatrie (internat) : "Bon, comment on nourrit un enfant de un an ?"
    Moi : "Avec une cuillère !"
    Bide total.

    Le UN :
    Grand chef parlant à la visite d'un patient black, qui s' "enfonce" de plus en plus : "Nan mais là Monsieur machin, il nous échappe complètement..."
    Petit chef prenant un air très concerné : "C'est le trou noir..."
    Moi en mode méga-second-degré : "Ah bah ça c'est raciste"
    J'ai eu un brief d'une demi-heure sur ce qu'on peut faire comme blague et ce qu'on peut pas faire comme blague - et ce surtout en présence d'infirmières blacks.

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  4. Ah j'adoooore! C'est trop bien, je viens de découvrir ce blog, il est génial, je me marre toute seule sur presque tous les articles! Cette façon de raconter, j'aime beaucoup. Hop, je vais mettre ça dans mes favoris de ce pas, merci de partager ça!

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  5. Le rachis parmentier est excellent :D

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