lundi 2 janvier 2012

les "chirurgiens" 3

Je vous le concède, je pars avec un a priori négatif sur les "chirurgiens". Je le rappelle, je parle du stéréotype incarné à la perfection par certains individus, pas les chirurgiens qui savent rester des êtres humains (cf ici). 

Si j'ai un certains ressentiment à l'égard des "chirurgiens", c'est surtout à cause d'UN "chirurgien". Qu'avait-il fait pour mériter cette opprobre ? il m'avait collé sur la tête des cornes d'élan canadien mutant.

C'était mon deuxième stage d'interne, c'était l'été, on était en périphérie, dans une grande baraque avec piscine. On était 6 internes dedans. La maison était tellement accueillante qu'on y faisait les soirées internat. Dans la coloc, il y avait cette fille, Joannie (le prénom est fictif) elle était belle, timide, réservée, et même temps capable de nous emmener dans son univers et nous faire rire. Elle rougissait pour un rien, c'était craquant, et évidemment, j'ai craqué. Pendant quelque temps, on a fait semblant de s'éviter tout en se lançant des regards équivoques, des doigts qui s'effleurent, des bisous qui durent un tout petit peu plus longtemps qu'avec tout le monde...

Un soir, on rangeait après une soirée internat (tiens, il est à qui ce maillot de bain ? mets le avec les autres soutiens-gorges), à la fin, j'ai sorti la guitare et plaqué quelques accords. Elle m'a fait poser la guitare, m'a emmené dans sa chambre et s'est jetée sur mes lèvres pour ne plus s'en décoller jusqu'au petit jour. Bon, le petit jour, c'était dans 45mn mais quand même !

Nous avons passé tout le reste du stage ensemble. Je lui ai offert des massages, des boucles d'oreilles, des colliers, un weekend en montagne. Elle m'a offert...un Tshirt.

Et puis la fin du stage est arrivée, il a fallu que je reparte au CHU, elle restait en périphérie. Quelle décision prendre : rester ensemble ou se séparer ? elle n'a pas voulu en parler, elle a dit qu'on verrai avec le temps. Sur le quai de la gare, elle a pleuré. Probablement qu'elle m'aime après tout...

J'ai alors commencé mon stage au CHU, mon stage d'esclavage, mon bagne. Comme je finissais au plus tôt à 22h, sans avoir mangé, et que j'avais encore 45mn de route avant de rentrer chez moi, je n'arrivais pas à garder une conversation téléphonique de plus de 5mn sans m'endormir ou faire "Mmm mmm" et rien d'autre. Alors on s'est rabattu sur les SMS. D'abord plusieurs par jour, puis un par jour, puis un tous les 2 jours. Quand j'étais le seul à écrire et qu'elle ne répondais pas, je me suis posé des questions.

L'ancienne coloc était loin et j'avais besoin de rattraper tout le sommeil qui me manquait de la semaine, alors je n'y allais pas souvent. Elle n'est jamais venue me voir. Il a bien fallu que je me rende à l'évidence, elle fait tout pour me mettre à bout, jusqu'à ce que je n'en puisse plus et que je prononce la phrase fatidique "Faut qu'on parle". C'est un truc que les mecs font ça, d'habitude ! pas les filles ! et puis elle a pleuré sur le quai de la gare, ça voulait dire qu'elle était amoureuse. En tout cas, moi, je l'étais.

J'ai donc pris mon courage à deux mains, j'ai posé quelques jours de vacances et je suis allé la voir dans notre ancienne demeure. Rien n'avait changé mais tout était différent. Les colocs m'avaient remplacé par un autre coloc, un "chirurgien", Clément (prénom fictif aussi). Nous l'avions reçu quelque temps dans notre maison pour son dernier stage d'externe, il a donc été notre coloc pendant 2 mois; maintenant, il était devenu interne et coloc officiel.

Quand je suis arrivé, elle a sorti le grand jeu : accueil sur le quai de la gare, j'ai couru au ralenti (elle m'a attendu là où elle était), on s'est embrassé, elle m'a emmené dans le meilleur resto de la ville, on est rentré à notre ancien foyer. J'ai voulu mettre les pieds dans l'eau mais elle était devenue froide, c'était l'hiver. Joannie aussi était froide. J'avais l'impression d'être avec un mannequin en cire, sans mouvement, sans vie, sans chaleur. Je l'ai embrassé entre les seins et lui ai dis "Je t'aime". Elle a répondu "Oh merci, c'est gentil".

Le reste du weekend a été catastrophique. Je m'attendais à ce qu'elle me plaque à chaque coin de rue. Je venais de comprendre que pour elle, c'était fini, et depuis longtemps. Elle m'a emmené au zoo. En passant devant l'enclos des tortues terrestres, toutes s'étaient donné le mot ou je ne sais pas, mais elles étaient TOUTES en train de baiser comme des lapins. Regarder des animaux s'envoyer en l'air, même aussi pathétiquement que des tortues, quand on sait que la personne à qui on serre la main ne nous aime plus...c'est...pire que ça.

Sur le quai de la gare, je n'ai pas eu le courage de lui dire que c'était fini, elle non plus. Je regardais l'oeil morne en attendant que le téléphone sonne pour me dire que le bateau de notre amour avait quitté le quai et ne reviendrai pas.
Ce que je ne savais pas encore, c'est qu'à défaut de bateau, notre amour était plutôt comme une hirondelle, qui, l'été fini, quand les feuilles d'automne embrasent la forêt, s'envole vers des horizons plus cléments, reçoit du plomb dans l'aile par un chasseur bourré, se fait ramasser par les chiens, sodomiser par une taupe, abandonner agonisante et décapiter par un train.

Le téléphone a mis un mois entier avant de sonner. Elle m'a plaquée. La veille de la St Valentin. Les fleurs étaient payées depuis déjà deux semaines, elles sont arrivées le lendemain.

Quelque temps plus tard, j'appris qu'elle avait attendu, un peu, que je m'en aille, pour me remplacer avec Clément, le "chirurgien" et que ça faisait déjà 2 semaines qu'ils batifolaient ensemble avant que j'arrive pour recoller des morceaux qui étaient déjà parti dans un autre puzzle.


Quand mes colocs ont appris ça, elle m'ont pris en main :
"Georges, c'est plus possible. Il faut que tu changes.
_ Ah bon ? la larme à l'oeil, un pot de glace à portée de main, un nounours dans les bras.
_ Oui ! on t'adore mais t'es trop gentil et tu te fais marcher dessus comme un paillasson.
_ Ah bon ? incrédule.
_ Mais ne t'inquiètes pas. Pilar et moi, on va faire de toi un Prince Charmant ?
_ Ah bon ? premier sourire en 3 mois.
_ Mais attention ! à grand pouvoir, grandes responsabilités.
_ Ah bon ? intéressé et intrigué.
_ Oui, il faudra pas que tu utilises ton pouvoir de séduction pour jouer au connard.
_ Non non ! avec fierté.
_ Tu promets ?
_ Promis !"

La suite est une autre histoire dont le début commence ici ! La suite au prochain numéro.

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